vendredi 26 août 2011

Par Yannick: Un jour un ami m'a dit...

"Pourquoi cherches-tu tant à voyager?"
Sans prendre vraiment le temps de déchiffrer cette question, je m'élançai avec conviction: "pour rencontrer des gens et apprendre de leurs différentes cultures". S'attendant à cette réponse, mon ami rétorqua. "pourquoi ne vas-tu pas à la rencontre des gens ici, il y a mille et une façons de le faire". En effet, pourquoi partir si loin, chercher le bout du monde, lorsque parfois ce que l'on recherche est à portée de main.

Nous vivions à Montréal, une métropole multiculturelle, exemple de diversité. Partout on y entendait des sonorités différentes. Dans le métro, exclamations espagnoles, changements de ton chinois, accents parisiens, portugais, grecs, italiens ainsi que les chaleureux québécois se mêlaient au brouhaha. En sortant du métro Jean Talon, que de fragrances exotiques près du marché. Un peu plus loin, d'un côté, on y vantait les mérites de la soupe tonkinoise, de l'autre de la poutine.

Il fallut me rendre à l'évidence. Montréal la cosmopolite rendait caduque ma courte argumentation. Si j'avais vraiment voulu rencontrer des gens tel que je le mentionnais, je n'avais qu'à adresser la parole au premier venu et j'avais de fortes chances d'en apprendre davantage sur quelque culture que ce soit. C'est alors ce que je fis.

A la bibliothèque, je m'entretins avec une péruvienne qui venait de débarquer à Montréal et qui tentait d'apprendre le français, je lui promis de l'aider si je la recroisais. Dans le bus, je parlai à d'autres sud- américaines, l'une d'entre elles peinait à traduire son CV en français, je lui laissais mon numéro de téléphone pour l'aider au besoin. Par la suite, je fis visiter mon appartement à un Togolais qui devenait mon colocataire. Je ne m'arrêtai pas la, j'hébergeai tour à tour à mon domicile un hollandais, un Sud-Coréen, un Chinois, une Brésilienne, des américains. Pas une seule fois, je ne me suis réjouis de leur présence. Il y eut biensûr des moments mieux avisés que d'autres mais dans l'ensemble, j'étais très satisfait de tous ces échanges, source considérable d'apprentissage.

De cela je retins deux conclusions:
- A fortiori, on pouvait véritablement voyager en restant chez soi ou dans sa ville. Il suffisait d'assouvir sa curiosité un peu plus qu'à l'accoutumée en s'adressant à autrui.
- Je constatai également que ce type de voyage précédemment évoqué n'égalai en rien la notion du voyage que je me faisais. Elle en était complémentaire. Et mon envie de voyager n'avait pas diminué, elle s'était même accrue.

Qu'était-ce donc ce que je recherchais? Je m'obstinais à vouloir partir étant certain de trouver sur la route ce que je ne parvenais à trouver ici. Au fond de moi il me semblait que le confort dans lequel nous vivions nous obstruai la vue. Que nos habitudes même les plus agréables, nous engluaient dans notre quotidien. Que notre spontanéité était miné, et dans mes jours les plus gris que l'existence était même parfois vidée de tout son sens.

J'avais toujours à l'esprit la réponse de mon ami et je ne pouvais m'arrêter en si bon chemin. Je décidai donc de prendre la route pour étayer mon argumentation de quelqes anecdotes que seul le fruit de l'expérience me permettrait de me doter. Le moyen de locomotion fut vite décidé: l'auto-stop était de loin le transport nous permettant d'effectuer toutes sortes de rencontres.

Au bout de quelques centaines de kilomètres parcourus, je ressentis ce que j'avais oublié. La nouveauté permanente couplée à l'imprévisibilité de la situation donnaient au périple toute son intensité.

Ce matin, je pris goût à une marche matinale qui nous fit déboucher sur une intersection vide de voitures. Misère! A un pareil lieu, notre temps d'attente fut estimé à deux heures bien rondes. Gloire! Quinze minutes plus tard, nous filons en direction de la frontière roumaine. Nous nous arrêtons un peu avant cette dernière et redémarrons l'exercice, le pouce bien tendu. Un camioneur nous fait signe de le rejoindre, c'est reparti. Une fois à bord, la conversation se fait difficile et nous devons faire preuve d'ingéniosité pour nous faire comprendre. Je me mets à parler un espagnol imperceptible, non c'est de l'italien ou plutôt de "l'itagnol". Qu'importe! Le chauffeur nous comprend. Rigolades, clins d'oeil, tapes dans le dos, Marius est super sympatique. Il nous emmène chez lui. Nous rencontrons ainsi sa femme et son fils, courte escale pour mieux repartir sous la chaleur accablante.

Cette fois-ci notre temps d'attente est plus élevé mais le jeu en vaut la chandelle. Au volant de son 4/4, un barbu au drôle d'accoutrement nous propose de monter. C'est un prêtre orthodoxe qui se dit fou, ça promet! Notre hôte est des plus aimables, c'est pour nous l'occasion de reprendre quelques forces. A part les snickers sortis de sa boîte à gants, on ne saura pas ce que l'on a mangé mais c'était très bon. Nous découvrons également de fabuleux paysages en franchissant la chaîne des Carpates.

Trois heures plus tard, nous sommes dans le fourgon d'un roumain émigré depuis 7 ans en Espagne. Quel plaisir que celui de communiquer dans une langue familière! Il nous dépose quelques heures plus tard à Sibiu. Hélas il reste encore plus de 300 km avant d'atteindre Bucarest et l'heure tourne. Nous voilà donc coincés dans une station essence en plein centre de la ville et nous admirons impuissants le coucher de soleil marquant la fin de la journée. Après inspection des alentours, nous nous résilions à passer la nuit dans cette station. L'endroit est sans danger et nous pourrons nous relayer pour trouver, entre les pots d'échappement et les phares éblouissants des voitures, un brin de sommeil. Au cas où, dernier geste d'espoir, nous sortons notre pancarte indiquant notre voyage: FRANCE to CHINA. Une heure plus tard, un client s'arrête, les yeux écarquillés, il lâche en anglais: "You're really going to China, Jesus Christ, good luck!".
Ni une ni deux nous saisissons l'opportunité et entamons une discussion afin de savoir si il a un jardin nous permettant de planter notre tente. Mauvaise pioche, il habite au cinquième étage d'un immeuble. Il met le moteur en marche et s'apprête à partir puis il hésite, fait marche arrière. Il a contacté un ami par téléphone qui peut peut être nous héberger. Nous montons dans le véhicule. Deuxième coup de fil, le plan échoue. Le troisième est le bon, nous finirons dans l'auberge d'un de ses amis, le tout entièrement gratuit. La journée se termine et c'est plein d'émotion que nous prenons nos marques dans l'auberge.

Alors c'est pour cela je pense, pour ces rencontres, ces situations et leur singuliarité, ce brin d'aventures, que pour rien au monde je ne renoncerai au voyage.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire