samedi 10 décembre 2011

En Géorgie, ces villes musées.


Mtskheta, place principale


Lorsque Mikheil Saakashivili, président de la Géorgie, souhaite redynamiser le tourisme de son pays, c’est sans demi-mesure. Ce n’est pas moins de six villes majeures en Géorgie qui ont fait l’objet de rénovations draconiennes ces deux dernières années. Et ce n’est qu’un commencement.


Sighnagi est la première d’entre elles à avoir connu le sacre des architectes choisis par le gouvernement. C’est la ville modèle du tourisme en Géorgie. De belles rues étroites, fraichement pavées se succèdent et laissent entrevoir les hauteurs du Daguestan. Ici, tout est traduit en anglais, des noms de rues aux écriteaux à l’entrée des restaurants jusqu’aux tout premiers graffitis présents sur les murs.

A peine descendus du bus, on nous aborde également dans la langue de Shakespeare pour nous proposer une “guest house” (chambre d’hôte). On joue le jeu et se laisse guider à travers ce musée grandeur nature qui ne laisse que peu de place à la surprise. Depuis les fortifications, la vue est imprenable et permet de se rendre compte du travail accompli ces deux dernières années. Mais le tout n’est que trompe l’oeil pour le touriste qui peut facilement s’apercevoir de la supercherie. Il s’uffit d’entrer dans une des cours intérieures pour se rendre compte de l’état de délabrement du reste des maisons.


Qu’en disent les locaux


A Mtskheta, une autre des villes rénovées, les gens sont plutôt satisfaits des travaux effectués. Dans un des restaurants, ouvert en Avril 2011, une des serveuses se réjouit du fait que “le tourisme s’accroît et ouvre de nouvelles opportunités pour les habitants de la ville” qui se sont convertis en aubergistes, guides touristiques ou vendeurs de souvenirs. Les garages sont transformés en boutiques en tout genre où l’on retrouve toujours les chapeaux et instruments de musique traditionnels ainsi que le drapeau national. Pourtant en ce mois de Novembre, les rues sont vides de présence humaine et le personnel de l’office du tourisme n’a pas l’air débordé. Accolées au chauffage portatif, les deux employés ont l’air bien contente d’avoir un peu de visite. Selon elles, les conséquences du travail accompli ne peuvent être que positives malgré le fait qu’il faille encore attendre un peu avant de récolter les fruits de ces rénovations qui laissent certains quartiers en construction permanente.


Supercherie Sighnaghienne




Sighnaghi et son beau manteau de neige en arriere plan

Le co
ût de l'opération

Loin d’être le plus gros chantier du pays, quelques 18 000 000 GEL (8 millions d’euros) pour la seule ville de Mtskheta ont été dépensés sur trois ans. (1)

La reconversion s’est également accompagnée de séances de formation surtout pour les propriétaires des chambres d’hôte qui ne savaient bien souvent pas un mot d’anglais. “Il a fallu leur expliquer comment recevoir les touristes, en prenant soin d’indiquer ce qu’ils aiment et n’aiment pas” m’explique Gvantsa Kobaladze de l’office de tourisme de Mtskheta. En ce qui concerne les habitants de ces villes, ils se réjouissent de ces rénovations d’autant plus qu’ils n’ont rien a débourser de leur poche pour avoir leurs façades remises à neuf.



Projets faramineux pour la suite

Les ambitions du président sont élevées. Selon lui “il n y a pas de raison empêchant la Géorgie de devenir un pays de loisirs et de rêve” (2). A ce sujet, d’ici à 2015, le gouvernement souhaite plus que doubler le nombre de touristes visitant le pays (3).
Pour ce faire, des dizaines d’hôtels sont en phase de construction dans la plupart des villes touristiques. A Tbilisi, l’avenue Agmashenebeli (signifiant littéralement avenue du bâtisseur) qui vient d’être inaugurée illustre bien l’ampleur du travail effectué. Quelques mois durant, les ouvriers ont travaillé jour et nuit pour que l’avenue soit terminée à temps. C'est d'ailleurs l'avenue qui risque d'être la plus à la mode. M. Saakashvili la considère déjà comme "l'une des plus belles avenues d'Europe".

Parmi les projets que l’on peut mentionner également, une ville nommée Lazika sera nouvellement construite. Partie de rien, elle aura pour ambition de devenir la principale plate-forme commerciale de l’Ouest de la Géorgie. Dans le débat politique, l’opposition ne voit pourtant pas la chose de la même façon. Le philantrope multi-milliardaire Bidzina Ivanishvili, candidat aux futures élections de 2012-2013, a confié dans une interview que ce que le gouvernement est en train de faire n’est rien d’autre “qu’une économie de façade” la comparant à un “village Potemkine”(4). Selon lui, ces projets démontrent la main mise de l'Etat qui contrôle davantage les revenus, les médias ainsi que les tribunaux. En effet, nombre des projets entrepris n’ont pas toujours obtenu le consensus des populations concernées. A ce sujet, Maia Sidamonidze, directrice de l’Agence de Tourisme nationale en Géorgie, considère que le désaccord de certaines personnes concernant les rénovations de certaines villes est inhérent à tout projet architectural. Elle prend la France pour exemple: “il y eut de l’indignation en France par le passé lors de la construction des pyramides en verre en face du Louvres. Mais maintenant, le site est devenu un incontournable à Paris”(5).


S’il est incontestable que les nouvelles infrastructures constituent un boom économique pour la Géorgie et auront des retombées positives certaines pour les populations locales, on ne peut s’empêcher de repenser aux dires de Bidzina Ivanishvili en arpentant les rues immaculées de Sighnaghi ou de Mtskheta, deux villes phares du tourisme géorgien.




Géometrique Mtskheta


Sighnaghi, place centrale

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