jeudi 22 décembre 2011

Istanbulista

Dernier regard vers Istanbul

Jamais je n'aurai cru passer par Istanbul durant ce voyage, encore moins le finir ainsi. L'avenir nous réserve bien des surprises. Un avenir qui apparaît encore bien lointain alors que dans ma tête défilent encore les visages croisés pendant mon séjour en Turquie.

Istanbul est sans aucun doute la capitale culturelle de la Turquie et les turcs en sont fiers. Pas une seule personne croisée dernièrement ne m'en a vanté les mérites. J'avais donc d'emblée de hautes espérances, surtout après mon court passage à Ankara.

Je ne fus pas déçu. Idéalement située entre deux mers, Istanbul laisse découvrir un panorama incroyable. Façade asiatique ou européenne, les minarets culminent, les fragrances émanant de multiples marchés se mêlent au brouhaha quasi omniprésent. Tous les sens sont sollicités. A tel point que la tâche de décrire cette expérience relève de l'impossible. Qui plus est, le fait que tant de civilisations se sont croisés sur cette terre asujetti mon passage au domaine de l'infiniment petit, de l'insignifiant.

Pourtant et c'est en grande partie grâce à mon hôte que j'ai pu rendre ce séjour un peu plus singulier.

Noyan Ayan à la quarantaine. Il est bordélique et fume comme un pompier. Deux paquets de cigarettes journalier, à croire que c'est de là qu'il tire son inspiration. Il est grand, filiforme et déambule sourire constant. Et à part un briquet, c'est le coeur qu'il à sur la main.

A peine franchi le seuil de sa porte, je me suis senti comme à la maison. Il me tend un ordinateur, un téléphone portable et les clés de son appartement. "Voilà pour ton autonomie" me dit-il, "tu fais comme chez toi". Nous faisons le tour du domaine. Des gadgets empilés ça et là, des cadeaux d'entreprises et une pile de cartes d'affaires sur la table. On slalome entre ses calbars et on s'installe dans le salon. Café chocolats, c'est parti pour un bon trois heures de discussion.

De nature curieuse et très bavard, c'est un compagnon qui ne laisse aucune place à l'ennui. Après une semaine de solitude sur la route, c'est exactement ce qu'il me fallait. Très rapidement nous embrayons sur le sujet qui m'a fait débarquer ici, le journalisme. Je suis chanceux, Noyan en a derrière la casquette. D'abord correspondant en Russie, il a travaillé pour différents journaux et magazines sans pour autant se spécialiser dans un domaine particulier. Un métier qui l'a amené à rencontrer de nombreuses personnalités tels qu'un certain M. Gorbatchev pour ne citer qe lui. Puis au fil du temps il s'est tourné vers les publications scientifiques et surtout sur les nouvelles technologies. Un moyen pour lui de prendre les choses avec un peu moins de sérieux que les sujets géopolitiques que j'affectionne particulièrement. Ce n'est pas pour autant qu'il n'est pas au courant de ce qui se passe dans l'actualité internationale, bien au contraire.

Actuellement il est éditeur de la section sciences et nouvelles technologies du site web NTVMSNBC. La présence internet du plus gros nom des médias turques. Il est chargé de sélectionner le contenu à publier sur le site et à ce niveau c'est champ libre. Il n'a pas vraiment de compte à rendre à l'autorité supérieure. Seul dans la rédaction à détenir le jugement de la pertinence des informations, il a le pouvoir de décider de ceux que ses 10 000 lecteurs vont lire. Un travail que bien des diplomés envieraient.

Pourtant ce dernier n'est actuellement pas satisfait de ses responsabilités: "du copier coller abrutissant, trop dépendant des dépêches des principales agences de presse" en ces mots. Il déplore le fait que l'urgence de l'information prévaut sur la réflexion, la créativité et surtout la critique des informations à publier.
En effet, un article/heure, c'est le rythme qu'il s'impose et ça ne laisse qu'une place mineure pour penser à ce que l'on publie. Une aberration pour ce que l'on appelait jadis le quatrième pouvoir.

L'enseigne est cependant prestigieuse. Lorsqu'on pénètre dans les locaux de NTV, on se sent baigné dans un bouillon de culture. Des plateaux de télévision sur-équippés, des écrans plats diffusant sans cesse les dernières informations et à l'étage, des rédactions de journaux et magazines tels que Vogue. Un environnement de travail qui apparait stimulant. En aurait t-on trop mis sur la forme? Et ce au dépend du fond? Difficile d'en juger aussi vite. Néanmoins avec un financement provenant de la troisième fortune de Turquie et un partenariat avec la troisième puissance médiatique américaine, on est en droit d'émettre des doutes quant au modèle d'une presse libre et indépendante. Ce sera le thème de bien des discussions avec Noyan.

Le consortium habritant les locaux de NTV.

J'enchaîne les visites et les kilomètres à pied, découvre les quartiers qui s'amoncellent dans cette ville qui n'en finit pas de m' étonner. Un centre historique qui surplombe le reste, des mosqués somptuseuses, d'innombrables reliques du passé qui entourent le grand bazar. Chaque rue se fait le théatre des souvenirs de l'empire ottoman. Puis de l'autre côté de la rive, on plonge dans le modernisme à travers les rues commerçantes, les galleries d'art et les bars branchés.

J'ai à peine le temps de m'y plaire que c'est déjà le temps de rentrer. Mes adieux à Noyan, je grimpe dans le taxi et c'est déjà le "check-in" à l'aéroport. Quelques pensées pour la ville que je survole avant de passer pour de bon du côté européen, là où les grèves font rage (22 décembre grève nationale en Belgique, un peu de stop en perspective?). Ça m'avait presque manqué!

Les chats sont rois à Istanbul

Ce cher Noyan admirant la vue

2 commentaires:

  1. J'adore lire tes commentaires !
    Même de retour en Europe, avant et pendant ta formation, tu pourrais continuer à alimenter un blog, non? celui-la ou un autre ?
    Histoire de ne pas perdre la main, de t'exercer davantage et de percevoir (tout en partageant) les singularités savoureuses qui existent même dans le quotidien que l'on fuit et sous-évalue trop souvent... ?
    Ce sont le regard et la narration qui font la différence.
    Bon retour, bonne fête à toute ta famille et à bientôt !
    W.

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  2. Merci de ton soutien, je vois que tu es un fidèele lecteur et ça fait extremement plaisir.
    Je vais essayer de me tenir à la publication d'articles de temps en temps, comme tu le dis si bien, la narration je l'espère peut faire la différence, et c'est une bonne manière d'avoir une réflexion sur un peu tout, le quotidien en faisant partie intégrante.

    Encore merci de ton soutien Wul!!

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